Parce qu’aucune oeuvre marquante ne tombe du ciel. Parce que l’art se nourrit de l’art. Parce que les influences ont elle-même des influences. La rédaction dédie ce format à des noms qui ont fait l’histoire de ceux qui occupent les mémoires. Pour inaugurer cet exercice, focus sur Edgar Varese, le héros de Frank Zappa (héros de la rédaction).
Moment d’histoire : le compositeur français, d’origine italienne et naturalisé américain
Edgar Varese, littéralement « scientifique fou de la musique » a autant influencé les registres classiques et populaires.
Issu d’une double formation en musique classique et en ingénierie, ses débuts remontent au début du XXème siècle. Il est l’un des premiers à ouvertement lier art et technologies, au croisement de la science et de la musique.
Constamment dans la remise en cause de sa discipline, il a toujours été grand ouvert aux expérimentations dans son travail et totalement dénué de barrières dans son approche.
Entier, caractériel, sans concessions, il explique sa vision dans cette précieuse interview de 1959 :
Un parti-pris artistique à l’origine du fameux scandale de 1954 où la création
Deserts, fut conspuée par le public décontenancé du
Théâtre des Champs Elysées. Un scandale comparé à celui de la création du
Sacre du Printemps en 1913 dans le même lieu.
Je ne ferai pas de pavillon ; je ferai un Poème électronique avec la bouteille qui le contiendra ! […] Immédiatement j’ai pensé à Varèse, dont je n’avais pas eu à m’occuper depuis près de vingt-cinq ans. Et cela fut si fort que je déclarai que je n’entreprendrais cette tâche qu’à la condition que ce soit Varèse qui fasse la musique
Le Corbusier
Suite à ce scandale Le Corbusier, chargé de réaliser un pavillon à l’occasion de l’exposition universelle de 1958, voulait expressément Varese pour mettre en musique la projection, contre l’avis de ses commanditaires.
Deux histoires qui auront contribué à sa reconnaissance tardive, dans ses dernières années. Une reconnaissance tardive qui fit le terreau de la scène foisonnante des années 60.
Edgard Varèse a eu une influence certaine sur plusieurs groupes et artistes américains ou britanniques des années 1960-1970 (The Beatles, Grateful Dead, Jefferson Airplane, Soft Machine) et plus particulièrement sur la musique de Frank Zappa.
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Lettre qu’Edgar Varese adressa en 1955 à un Frank Zappa âgé de 15 ans.
Lettre que ce dernier conserva jusqu’à la fin de ses jours. |
Frank Zappa découvre Ionisation alors qu’il était encore adolescent. Il apprécie tellement l’œuvre de Varèse, qu’il considère comme le « plus grand compositeur vivant », que l’année de ses seize ans il téléphone au compositeur, vivant alors à New York, pour lui exprimer son admiration.
Principale inspiration et
idole de jeunesse de Frank Zappa, le compositeur était une part importante de son parcours. De sa définition même de la musique, au décloisonnement qu’il a toujours prôné en restant hors des conventions,
Frank Zappa a tout au long de son histoire honoré
Edgar Varese.
Alors que Frank Zappa qualifiait la musique classique de « musique pour vieilles dames et lopettes », ceci ne l’empêchera pas d’organiser à ses propres frais, conférences et célébrations aussi passionnées qu’élogieuses envers Edgar Varese. Une admiration qui était son Dirty Little Secret.
Edgar Varese s’éteint en 1965, l’année où Zappa intègre The Soul Giants, groupe qui deviendra par la suite The Mothers of Invention. L’omniprésence de Varese dans l’esprit de Zappa n’a pas seulement façonné son parcours solo, mais aussi la genèse de son mythique groupe.
Un départ et une arrivée dans la même année, qui insuffla une folie créatrice et expérimentale dans les grooves jazz, rock progressif, blues. Le monde musical n’aurait pas connu le génie iconoclaste de Frank Zappa sans cette influence majeure.
L’art se nourrit de l’art, les figures s’inspirent de figures dans un cycle continu où tout n’est qu’éternel recommencement.
Des jeunes se sont pris Frank Zappa de plein fouet, changeant à tout jamais leur appréciation de la musique. Frank Zappa très jeune s’est pris Edgar Varese de plein fouet, dessinant l’horizon où il creusa son sillon.
Written by LGTDZ
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